#1 La Valse des prénoms

Croissance Prénominale Brute (1900-2020)

Constats :

  • La diversification du nombre de prénoms conventionnels s’accélère en quasi continu jusqu’à un pic en 2014. Ce nombre progresse de +361,9 % entre 1900 et 2014.
  • Le volume donné de prénoms rares progressent de manière exponentielle, surtout au cours des 20 dernières années (+104,2 % entre 2000 et 2020).

Il est possible de mesurer la croissance volumétrique du nombre de prénoms conventionnel, comme l’on mesure le Produit Intérieur Brut (PIB), sur une période données. L »indice a ses limites (notamment sur l’invisibilité du volume de prénoms rares) mais il a le mérite d’être un indicateur des dynamiques de diversification. Je propose le terme de Croissance Prénominale Brute (CPB), qui correspond à la courbe orange sur la Dashboard éponyme. On en déduira que la CPB est de +36,7 % entre 2000 et 2020 etc.

Comment interpréter la croissance du nombre de prénoms ?

La première raison de la croissance du nombre de prénoms est législative.  La loi du 11 Germinal de l’An XI adoptée en 1803, restreignait le choix des prénoms à ceux « en usage dans les différents calendriers, et ceux des personnages connus de l’histoire ancienne » . Cette loi visait à éviter les fantaisies postrévolutionnaires du type MaratineBrutus ou Aimé Vérité… de bien beaux prénoms ! Un premier assouplissement législatif est prononcé en 1966 sur l’ouverture aux prénoms régionaux. Mais la véritable ouverture s’opère avec la loi du 9 janvier 1993, qui autorise le libre choix total du prénom : l’officier d’état civil ne peut refuser d’inscrire les prénoms choisis à la naissance, que dans la limite de sa compatibilité avec langue française ; et si l’association avec le nom ne lui parait pas contraire à l’intérêt de l’enfant.

Mais la dynamique de diversification n’a pas attendu les autorisations législatives pour s’amorcer. Sans doute la loi s’est elle adapté à l’usage. Et à un mouvement de fond. Le prénom, de plus en plus mis en avant, revendiqué, porteur de sens et soumis aux aléas de la mode, s’est peu à peu émancipé de l’influence familiale. On ne nomme plus son enfant comme le grand-père, la tante ou tel aïeul, non… le prénom est devenu un facteur différentiant. C’est peut-être ici que se cache la vraie évolution. Et la multiplication des prénoms comme l’illustration d’une société basée sur l’individualisme roi.

On peut donc se demander pourquoi ce recul des prénoms conventionnels observé depuis 2014 ? La CPB témoigne d’une récession (-7,5 % entre 2014 et 2020). Serait-ce le signe d’une contre-révolution ? Pas vraiment… si l’on souligne en parallèle la croissance exponentielle du nombre de prénoms rares (il représentaient 0,7 % des prénoms donnés à la naissance en 1900 contre 3,9 % en 2000 et 10 % en 2020 !), qui rogne sur les prénoms conventionnels, comme le prolongement naturel des processus d’atomisation.

La fragmentation des prénoms reflète la montée des individualismes.

Peut-être questionne-t-elle une partie de nos difficultés à faire société.


La Valse des Prénoms est un ensemble de 3 Dashboard de datavisualisation publiées sur ce blog et hébergées sur Tableau Public. Il s’agit d’une analyse de l’évolution des prénoms donnés à la naissance, en France, de 1900 à 2020.

Définition :

  • Les prénoms rares sont ceux donnés moins de 3 fois par an ou moins de 20 fois à un sexe depuis 1945. La liste nominative des prénoms rares n’est pas disponible dans la source. Florilèges ici.
  • Les prénoms conventionnels sont tous les autres.

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Ressources :