Data athlétisme : 100 mètres et des centièmes

Usain Bolt a battu le record du monde du 100 mètres le 16 août 2009. Et depuis ? Personne, à l’exception de Yohan Blake, n’est descendu en dessous de 9,70 secondes. Depuis Jim Hines et Carl Lewis, tout se joue à quelques battements de cils… comment on évolué les temps au fil du temps ? J’ai scrappé sur World Athletics plus des 20 000 meilleures performances de la discipline entre 1958 et 2022.

Sur les principaux enseignements du fichier

Toutes les informations concernant le nom des coureurs, leurs nationalités, leurs temps, les dates et lieux de leurs records, ainsi que les classements sont illustrées sur ce blog, rubrique Data, dans une grande dashboard : 100 mètres… et des centièmes.

Dont voici la quintessence graphique :

Ressources :

Quels sont les constats ?

Que la concurrence est de plus en plus dense

Au moment de la prise de donnée, l’année 2022 n’était pas terminée qu’elle était déjà la plus féconde de tous les temps, en densité de performances, avec 5,3 % des meilleurs temps enregistrés depuis 1958. Malgré cette densité, le temps moyen des hommes qui passent sous les 10,3 sec. tend à se stabiliser. L’année dont la moyenne était la plus rapide fut 2015 à 10,16 sec. La dynamique, en l’état, tend vers une stabilisation de la performance moyenne sous autour de 10,18 sec. De plus en plus de coureurs performent sous les 10,3 sec comme de plus en plus de coureurs se rapprochent (sans l’atteindre) du record d’Usain Bolt.

Que le record du monde d’Usain Bolt est très en-dessous des autres performances

Le record d’Usain Bolt met 37 centièmes à Jim Hines, (premier homme à passer sous les 10 secondes, aux JO de Mexico, 1968) ; 28 centièmes au record de Carl Lewis (1991) et 18 centièmes à Tayvon Bromell (meilleur performance 2021 à 9,76, soit la 22ème meilleure performance de tous les temps). Usain et Tayvon se chamaillent pour l’équivalent de 4,5 battements de cils. Un gouffre…

Que les Etats-Unis dominent le discipline

Les Etats-Unis cumulent 28,6 % des meilleures performances réalisées depuis 1958. L’hégémonie américaine est aujourd’hui contestée. La grande période des Etats-Unis correspond aux années 1975-1990 où le pays réalisait plus de 50 % des meilleurs performances de la discipline. Cette proportion est tombées à 30,1 % dans les années 2000 et à 23,0 % dans les années 2010.

D’autres pays émergent en parallèle. Au cours de deux dernières années, le Japon a réalisé 8,4 % des meilleures performances… à seulement 1,1 point de la Jamaïque. Derrière des têtes de gondole comme Akani Simbine et Bingtian Su, des pays comme l’Afrique du sud et la Chine se taillent peu à peu une place au soleil.

On appréciera les performances des coureurs des pays disparus…

… car on courait du temps de l’URSS, de la Yougoslavie etc. Frank Emmelmann (Allemagne de l’Est) et Valeriy Borzov (URSS) frisèrent la barre des 10 sec. On regrettera qu’aucun d’entre eux ne brise le seuil.

• … ainsi que celles des coureurs des toutes petites îles.

Rares sont les sports où les petites îles sont autant représentées. Certains coureurs comme Ato Boldon (Trinidad et Tobago) ou Kim Collins (Saint-Christophe-et-Niévès) sont même des stars de la discipline. Ils sont 109 insulaires, soit 5 % de l’ensemble des coureurs à être passé sous la barre des 10,3 sec.

9,58… et après ?

Le record d’Usain Bolt sera sans doute un jour battu. Mais quand ? Sous quelles modalités et jusqu’à quelle limites ?

On pourra toujours mieux préparer les corps et les équipements. Mais personne ne courra jamais un 100 mètres en zéro seconde. Peut-être, lassés par nos limites physiologiques, autoriserons-nous un jour des formes de dopages physiques, génétiques ou technologiques. Le triomphe d’une philosophie libérale du sport ! En attendant, un nombre croissant de coureurs titillent le record d’Usain Bolt, sans jamais pouvoir l’atteindre. Ils sont donc de plus en plus nombreux à rester dans l’anonymat, dans la banalité de leurs performances, malgré les sacrifices et l’indéniable qualité de leurs courses. Le haut-niveau gagne en densité. Mais aussi en cruauté. Certains y verront la beauté du sport ! L’implacable sélection du plus rapide… du meilleurs, du plus beau, du plus fort. On court toujours plus vite comme on en veut toujours plus. Quelque part le sprint est à notre image. Et nous nous heurtons de toute part à la nature comme nos corps se heurtent à ses limites.

Vous n’êtes pas toujours obligé de jouer le meilleur coup. Un coup doit être actif, entreprenant, correct et beau !

David Bronstein (1924-2006), Grand maître international d’échecs soviétique

On empêchera jamais personne de vouloir battre un record. Le dépassement est dans la nature humaine. La démarche est belle. Mais peut-être pourrions-nous envisager d’autres voies pour le haut niveau : une piste artistique ? Pourquoi pas. Le débat n’est pas nouveau. Dans les années 1950, les échecs étaient parfois perçus comme un sport bouché par les analyses successives d’ouvertures répétées. Un sport à répétition. Sans avenir. Bobby Fisher détestait les échecs pour cette raison. Làs… le soviétique David Bronstein, grand maître en la matière, prédisait que l’avenir de son sport était plus dans la recherche de l’art que de la victoire. Well… il a eu tord. L’assistance numérique a rehaussé le niveau de la recherche échiquéenne. Et les Grands maîtres se battent toujours pour la victoire. Alors quid du 100 mètres ? A défaut de la légalisation d’une nouvelle assistance biologique, technologique… peut-être verrons-nous un jour quelqu’un recevoir une médaille d’or non pour son temps… mais pour sa foulée. Parce que son geste est non mesurable. Parce qu’il est beau, unique. Parce qu’il représente ce qu’il y a de plus beau en nous. Parce que c’est ce qui compte. Finalement. Et parce que l’ambition de vouloir toujours courir plus vite est l’ambition d’un monde révolu. Perspectives à dessiner… Mais quelque chose me dit que ce n’est pas pour demain 🙂